Le parler flou et le parler clair : la dimension créative de la communication


Lorsque nous présentons nos techniques de langage sous le nom de "parler flou", beaucoup de nos interlocuteurs pensent à la langue de bois du langage politique. Ceci nous conduit à évoquer la dimension créative de la communication que nous cherchons à gérer à travers ces techniques.
Comprendre l'idée
Comme le montre RODOLPHE GIGLIONE, notamment dans son ouvrage l'Homme Communiquant, l'individu arrive dans une situation de communication avec tout un savoir et tout un jeu de représentations tant sociales, qu'individuelles. A partir de ce constat, il est clair qu'il donne un sens personnel à ce qui se passe car la compréhension d'une information est toujours au départ un processus individuel d'assimilation. Dans un précédent ouvrage , nous traçons les grandes lignes des facteurs qui viennent influencer la manière dont les gens interprètent les informations dans une situation de communication.
En pratique, il s'agit d'être conscient que nos interlocuteurs créent tout ou partie du sens de ce que nous disons s'appuyant ainsi sur ce qu'ils perçoivent mais surtout sur ce qu'ils croient : leurs représentations. Ce mécanisme de créativité s'appuie sur ce qu'on pourrait appeler des "raccourcis cognitifs" procédant partiellement d'un traitement analogique de l'information, et soutenus par des processus de généralisation. C'est à cause de cela que parfois, nous avons l'impression d'avoir "cent fois entendu" la même chose quand un sujet décrit un problème typique d'une difficulté bien connue. En utilisant ces "raccourcis cognitifs" nous projetons nos idées, nos opinions pour convaincre les autres au lieu de les aider à trouver et à exprimer les leurs propres. Ce qu'il faut savoir, c'est que personne n'échappe à la dimension créative de la communication, et que, même si les gens n'expriment pas toujours ce qu'ils ont compris, certaines images, certaines significations se sont formées dans leur esprit face aux propos d'un interlocuteur ou face à une expérience.
Il est donc possible de stimuler la dimension créative chez le sujet de façon à l'influencer vers un devenir positif. Quand nous utilisons délibérément les techniques du parler flou, nous travaillons sur cette créativité. Si vous dites: " A partir de maintenant, vous allez retrouver très rapidement votre sérénité ", l'expression " très rapidement " appartient au parler flou car elle n'indique aucun repère mesurable, et prend un sens personnel pour celui à qui l'on s'adresse.
Les apports de la psychologie cognitive s'ajoutent aujourd'hui à l'expérience de MILTON ERICKSON, et incitent à porter à ses méthodes une attention privilégiée car elles renouvellent notre compréhension de la relation thérapeutique et des processus de changement.

1) Définir le parler flou
Le parler flou est un des meilleurs moyens de respecter les représentations de l'interlocuteur parce qu'il permet de tracer de grandes lignes sans imposer un contenu. Pour expliquer cela, nous pouvons imaginer que nous remettons à deux personnes le même dessin à colorier mais qu'elles ne disposent pas des mêmes crayons de couleurs. Il y a fort à parier que nos deux personnes vont alors effectuer deux coloriages différents à partir du même dessin. Le dessin représente le parler flou et les couleurs le sens personnel que chacun y met. Ainsi, lorsqu'on s'adresse à un interlocuteur et qu'on a besoin de recueillir des informations il va s'agir de lui fournir un "dessin à colorier" et de veiller à ne pas y placer nos couleurs avant !
Parler flou ne signifie pas manquer de précision ou de rigueur, bien au contraire, il en faut beaucoup pour maîtriser ce type d'approche. Le parler flou utilise des mots répondant aux critères suivants :
- Mots situés dans l'abstraction sur le plan du sens et possédant une forte capacité d'interprétation subjective.
Les mots sont, par définition, des abstractions puisqu'ils sont des symboles qui représentent des faits, des actions, des objets , etc. On a coutume pourtant de dire qu'il existe des mots plus abstraits les uns que les autres! En fait, on devrait dire que certains mots représentent des abstractions alors que d'autres représentent des actions, des mouvements, des objets tangibles, etc. Toutefois, il existe des mots qui peuvent, dans un contexte donné, se trouver puissamment investis d'un sens. Dans la relation d'aide, de développement personnel ou de coaching, la clé, c'est le sujet et la représentation qu'il a de son état, de son mieux-être, de sa responsabilité et des résultats qu'il se sent en mesure d'atteindre.
Les abstractions typiques du parler flou se situent par rapport au méta modèle dans la catégorie des nominalisations, appartenant elles-mêmes aux universels de modelage de l'expérience appelés distorsions.
Le méta modèle de la PNL a pour fonction d'identifier les zones d'ombres, les ambiguïtés du langage, et de permettre aux informations manquantes de réapparaître en se basant sur des indicateurs présents dans l'expression verbale. Ces indicateurs, comme nous l'avons étudié, traduisent la présence de généralisations, d'omissions ou de distorsions et il s'agit, lorsqu'on veut pratiquer le parler flou d'utiliser délibérément ces mêmes indicateurs pour créer des zones d'ombre destinées à être investies d'un sens personnel par notre interlocuteur.
Lorsque nous utilisons le méta modèle de la PNL, cela nous amène à parler de façon très précise : ce que nous disons renvoie à des faits objectifs et coupe immédiatement cours à l'imagination de l'interlocuteur. Ce parler clair est aussi indispensable que le parler flou, encore faut-il s'en servir au bon moment. Dans la relation d'aide ou de conseil, un véritable jeu de va et vient entre parler clair et parler flou s'instaure, le parler clair vient apporter les informations nécessaires à dissiper des doutes, à calmer des inquiétudes, le parler flou vient à propos chaque fois que nous voulons travailler sur l'implication du sujet, et sur l'individualisation de nos messages.
Parfois, le parler clair est tout à fait inadéquat à la situation. Par exemple, si vous faites une séance de relaxation et que vous lui dites d'évoquer l'image d'un lac en montagne comme symbole de calme et de sérénité, vous pouvez très bien induire une forte angoisse si votre interlocuteur a peur de l'altitude ou de l'eau. Alors que si vous lui suggérez de penser à quelque chose qui, pour lui, est associé au calme et à la sérénité, il reste libre d'imaginer ce qu'il veut, vous permettant dans le même temps d'induire l'état de calme recherché.
Parfois, le parler flou est tout à fait hors de propos, ce que dit le praticien est alors perçu comme un refus de répondre à une demande explicite, ou comme de la "langue de bois". Si le sujet demande: " Est-ce que mon problème va complètement disparaître après ces séances?" et que le praticien répond par de vagues considérations, le sujet se trouvera frustré, inquiet, et surtout dans l'impossibilité de se représenter un objectif accessible.
Lorsque nous parlons flou, notre l'interlocuteur construit du sens ce qui se révèle particulièrement important dans les situations où il lui faut exprimer ses propres attentes, ses représentations, ses opinions, ses désirs. Dans la relation d'aide, les questions formulées en parler flou permettent de recueillir beaucoup d'informations, car elles évitent simplement au praticien de projeter son interprétation. C'est notamment le cas où le praticien évalue les points de départ d'une situation et cherche inconsciemment dans la conduite de l'exploration à confirmer ses intuitions.

2) Principe d'action du parler flou

Nous avons souligné l'importance de la dimension créative dans l'interprétation des messages et montré comment l'utilisation du parler flou vient la solliciter. Le parler flou nécessite un contexte non directif qui favorise une attitude d'acquiescement, autorise l'interlocuteur à entrer dans un processus de créativité et fournit au praticien des informations de haute qualité traduisant fidèlement l'expérience du sujet. Le parler clair prend le relais lorsque c'est nécessaire pour faire préciser et expliciter les informations ainsi libérées par l'imagination.
Pour que le parler flou joue pleinement son rôle, le sujet ne doit pas s'y opposer : c'est ce principe d'acquiescement qui permet l'action de la technique. Ce critère est majeur parce que dans toute démarche de changement on ne peut convaincre les autres qu'avec leurs propres arguments, il faut donc éviter de suggérer des oppositions ou des résistances ce qui ne manque pas d'arriver dès qu'on cherche à imposer quelque chose. Dans la relation d'aide ou de conseil c'est une donnée fondamentale car elle détermine l'acceptation de toute préconisation, donc son observance et ses chances de réussite. En conséquence, le parler flou doit s'inscrire dans les critères et les croyances du sujet.
Dans les démarches de psychothérapie, par exemple, le sujet a souvent une représentation mentale assez précise de la durée de la thérapie, s'il se réfère à une prise en charge d'obédience psychanalytique, il sait que sa cure va durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Si son thérapeute affirme que ses difficultés vont être résolues rapidement, cela risque d'entraîner un certain degré d'opposition car il ne peut pas le croire en fonction de l'idée qu'il se fait de la durée d'une psychothérapie.
Les représentations du sujet peuvent être mises en évidence en observant son discours et l'accompagnement non verbal de celui-ci, les choix du praticien en matière de parler flou doivent s'appuyer sur celles-ci afin de ne rencontrer aucune résistance.
Pour résumer les principes d'action du parler flou, nous notons l'importance d'une part du contexte d'acquiescement , et d'autre part de l'harmonie entre le parler flou du praticien et les représentations mentales du sujet.
Nous avons déjà signalé que le parler flou peut avoir des effets désagréables voire éloigner le sujet de l'objectif s'il est mal employé. Rappelons simplement qu'il ne faut jamais utiliser le parler flou lorsque la demande est précise, car cela produit une ambiguïté des messages, et provoque l'apparition d'interprétations négatives.
Le manque de précision, l'ambiguïté des messages sont une source d'incompréhension entre les gens, de difficultés de communication et, dans d'autres contextes, à la base de la formation des rumeurs. Comme tous les outils, et notamment les techniques de la PNL, que nous utilisons dans nos démarches l'efficacité du parler flou dépend du contexte où il est mis en œuvre, et du degré de précision avec lequel on s'en sert.
Il arrive parfois qu'on parle flou sans en être conscient, ou même en ayant l'impression de parler vrai, dans ces deux cas, il s'agit d'un déplacement de critères : celui qui parle part inconsciemment du principe que ce qui est vrai pour lui doit l'être aussi pour son interlocuteur. C'est un écueil majeur dans la relation d'aide, car, fort de son expérience et de son savoir, le praticien est souvent tenté d'imposer ses certitudes, pensant en toute bonne foi l'aider. Le risque est grand de voir surgir des résistances que le sujet formule, lui aussi en toute bonne foi dans des formes telles que " j'ai fait ce que vous m'aviez conseillé....Cela ne marche pas!"
Impliquant fortement l'imagination de l'interlocuteur, il s'agit de bien sélectionner les mots qu'on emploie dans le respect des critères énoncés. Les mots qui se réfèrent à des expériences très généralement partagées par la plupart des gens servent bien cet objectif d'implication et de non opposition. Si vous parlez de décision, de confiance, de conscience, de volonté, vous évoquez des actions et des émotions que tout le monde connaît à un moment ou à un autre de sa vie mais qui se trouvent profondément différenciées selon les individus.

3) Identifier et se servir du parler flou
Nous proposons dans un premier temps d'apprendre à identifier le parler flou grâce à une technique très simple qui consiste à chercher les images associées aux phrases qu'on prononce ou qu'on entend.

Exemple
- Lisez la phrase suivante : "la situation que vous vivez vous conduit à désirer un changement."
- Cherchez les images que cela évoque pour vous dans votre expérience.
- Revenez à la phrase et cherchez si elle contient ces images. Si oui, il ne s'agit pas de parler flou, si non il s'agit de parler flou.

Nous utilisons cette technique dans les situations d'entretien pour permettre aux interlocuteurs de savoir s'ils sont bien conscients de leurs objectifs et représentations mutuels. Dans nos séminaires, nous faisons travailler cette technique en demandant à un des participants de poser des questions à l'un des membres du groupe tandis que les autres effectuent une représentation graphique des réponses.
Les techniques du parler flou relèvent d'une compréhension globale des critères cités précédemment. Elles emploient les procédés du Milton modèle, s'appuient sur les phénomènes d'omission de généralisation et de distorsion bien connus en PNL, et utilisent également les présupposés c'est-à-dire les données à admettre pour que l'affirmation soit valide. Dans notre expérience, nous savons bien que souvent l'identification de la technique se fait plutôt après qu'avant son utilisation, c'est pourquoi nous adoptons une attitude plus stratégique qu'analytique lorsque nous mettons en oeuvre ces techniques tant il est évident toutefois qu'on ne peut préparer ce que l'on va dire dans un entretien ou une conversation en pensant en termes d'omissions, de généralisations ou de distorsion. La donnée constante des situations de communication réside dans le positionnement en temps réel des techniques employées. Appliquer le mimétisme comportemental, observer les clés d'accès visuelles, utiliser les représentations sensorielles de son interlocuteur sont autant de techniques à utiliser simultanément en temps réel. Le parler flou, quant à lui, nécessite qu'un état d'esprit particulier pilote de la manœuvre plutôt qu'un savoir théorique. On pourrait décrire cet état d'esprit en soulignant les présupposés qui l'animent:
- Etre convaincu qu'on va convaincre,
- Penser la relation comme un jeu et y prendre plaisir.
Cet état d'esprit s'exprime dans un comportement qui, par les effets du mimétisme décrits par la PNL, ne peut que transmettre des éléments positifs et jouer dans le sens d'un interlocuteur créatif.
Pour y arriver, nous disposons d'une stratégie permettant de préparer son intervention.

4) Stratégie générale du parler flou

1ère étape : l'image
Pensez au résultat que vous voulez atteindre avec votre interlocuteur en sachant bien que vous allez y arriver et cherchez les images que cela évoque pour vous.
Par exemple imaginez que vous voulez que votre interlocuteur arrive à l'heure à ses rendez-vous. A partir de cet objectif, essayez de rassembler les images qui vous viennent à l'esprit : l'heure inscrite sur l'agenda et l'heure affichée par la montre, votre interlocuteur en face de vous (ou d'une autre personne) qui êtes disponible et détendu, etc.

2ème étape : les mots
Vous devez maintenant passer de l'image à un degré d'abstraction au-dessus en trouvant ce que signifie votre objectif. Si vous avez imaginé votre interlocuteur devenant ponctuel, mettez un titre à cette image : organisation, ponctualité, etc.

3ème étape : l'action
Dans cette étape, il s'agit d'utiliser ce que vous avez imaginé en laissant à votre interlocuteur le rôle de "metteur en scène".
- " Nous devrions certainement nous organiser pour étudier ce problème à fond,... mais nous n'avons pas le temps aujourd'hui... "
Dans cette affirmation qui reste en suspens, vous ne demandez pas d'être à l'heure mais vous le lui suggérez indirectement en évoquant ce que vous pourriez faire ensemble s'il était plus ponctuel. La dernière proposition "...mais je n'ai pas le temps aujourd'hui..." peut présupposer plusieurs choses et notamment une relation de cause à effet : "si vous étiez à l'heure, nous aurions le temps!", qu'il faut se garder de formuler car c'est à l'interlocuteur de la construire dans son esprit.

Cette démarche étape par étape correspond en fait à des processus courants que beaucoup de gens utilisent sans que ce soit toujours parfaitement délibéré. Pour mettre au point ses techniques, la PNL, observe des savoir faire, puis les détaille en fonction des étapes qu'ils parcourent pour arriver à un résultat positif.
Il existe parallèlement à la démarche de construction du parler flou, beaucoup d'autres stratégies destinées à aider les gens dans leurs dynamiques de changement.

Voici à présent quelques exemples d'utilisation du parler flou.


Exemple 1
- Vous faites des efforts pour résoudre vos difficultés.
Chacun sait que, face à des difficultés, les efforts qu'il fait peuvent avoir une certaine efficacité, parfois, dans son parcours de développement personnel ou de coaching, le sujet ne fait pas les efforts qui conviennent, mais, si le praticien montre qu'il est conscient de ces efforts, il bonifie leur efficacité et il acquiert ainsi la possibilité de guider ces efforts. L'aspect très général de la situation "faire des efforts pour résoudre une difficulté" augmente encore le degré d'abstraction des mots qui la décrivent. Lorsqu'on parle de "faire des efforts" chacun peut s'approprier l'affirmation et surtout l'investir d'un sens très personnel.
Dans cet exemple, on a utilisé des termes dont le degré d'abstraction est relativement faible : les mots "effort" et "difficulté" renvoient en effet à des expériences qui peuvent être très aisément représentées de manière kinesthésique et visuelle : l'effort peut évoquer une sensation (effort musculaire), les difficultés peuvent évoquer des obstacles (barrières à franchir, etc.) .

Exemple 2 (emploi de nominalisations)
- J'ai bon espoir en ce qui concerne l'amélioration de vos résultats.
L'espoir est un de ces sentiments les plus largement partagés. Ne dit-on pas qu'il fait vivre?... Les "espoirs" que fonde le praticien vont servir à structurer un devenir positif pour son sujet, toutefois, ils demeurent flous et laissent une possible marge d'erreur, car l'espoir s'exprime plutôt sur le mode passif de l'attente que sur celui actif d'une prise de pouvoir sur l'événement. Pour s'en convaincre il suffit de mesurer la différence entre :
- J'espère que mes résultats vont s'améliorer.
et
- Je vais faire en sorte d'améliorer mes résultats.
Cependant, les "espoirs" du praticien sortent quelque peu d'un cadre d'attente passive, puisqu'il est présupposé que son savoir, son expérience, et son expertise l'autorisent à faire des évaluations. Autant, dans la relation d'aide ou de conseil, on s'efforce d'amener le sujet à formuler des décisions de prise de pouvoir sur son devenir, à la place de formuler des voeux; autant, il est possible d'utiliser les "voeux" et les "espoirs" dans le but d'esquisser un devenir positif.
L'affirmation de l'exemple est une forme de parler flou fondé sur des nominalisations.
- J'ai la certitude que vous aurez un résultat satisfaisant avec ce programme de remise en forme.
Cette affirmation, comme la précédente, peut être interprétée par le sujet d'une façon très personnelle. Il y a une différence importante, c'est le degré d'implication du praticien qui exprime cette fois une "certitude". Dans cet exemple comme dans le précédent, il s'agit d'une utilisation de la catégorie "distorsion" du méta modèle pour le langage. Il faut se souvenir que la distorsion forme la base des processus de créativité, et qu'en conséquence, le parler flou ayant pour but de rendre l'interlocuteur créatif, les distorsions y sont fréquemment utilisées.


Exemple 3 (emploi de divination)
- "Je sais que vous allez trouver ces exercices un peu contraignants..."
Cette affirmation, typique du parler flou, s'appuie sur un processus de distorsion et se classe dans la catégorie des divinations. Nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer pour reconnaître l'efficacité des divinations à condition qu'on soit certain de ne pas se tromper. Faire une divination sur des faits hautement imprévisibles risque de porter un coup fatal à la crédibilité de son auteur!
Dans cette affirmation, le praticien annonce que les exercices seront "un peu contraignants", cela peut lui servir dans certains cas à stimuler la motivation du sujet, tant il est vrai que les obligations qu'on s'impose délibérément sont incontournables alors qu'un ordre imposé par un tiers peut inciter à la contestation.
Dans la relation d'aide ou de conseil, on peut parfaitement affirmer des choses telles que :
- Mon intuition me fait penser que vous réussirez à atteindre un résultat
- Vous cherchez une solution à vos difficultés.
- Je devine que vous avez déjà fait bien des tentatives.
Ces affirmations appartiennent au parler flou, les divinations sont par trop imprécises pour imposer une certitude, mais, si elles s'adressent à une personne qui vient vous consulter après de longues hésitations ou de multiples échecs, elles trouvent un écho très personnel.


Exemple 4 (emploi de nominalisations et de divination)
- "Votre sens des responsabilités s'accommodera difficilement de cette situation."
Le sens des responsabilités est une expression des plus floues qu'on puisse imaginer car elle désigne des éléments qui dépendent essentiellement d'un instrument de mesure subjectif : sa propre évaluation.
De surcroît, on trouve ici un procédé de glissement du sujet : autant les personnes peuvent s'accommoder d'une situation, autant une notion aussi abstraite que le sens des responsabilités en est incapable. Ceci permet de faire glisser la responsabilité de la personne : ce n'est plus elle qui s'oppose mais son "sens des responsabilités"!
Ce type d'affirmation s'utilise pour provoquer la formulation d'exemples ou des contre-exemples : une perspective se trace et on laisse la personne réagir en fonction de cela. Dans la majorité des cas, les gens cherchent des exemples de leur "sens des responsabilités". Si la situation évoquée dans l'affirmation contient beaucoup d'avantages secondaires, la personne s'arrange pour que son sens des responsabilités s'en accommode. Si la situation évoquée dans l'affirmation représente un sujet d'inquiétude, la personne apporte force exemples de son sens des responsabilités.

Exemple 5 (emploi d'une relation de cause à effet impliquée dans le temps)
- "Tandis que vous écoutez le son de ma voix, vous commencez à vous détendre..."
Cet exemple de parler flou , souvent utilisé dans les séances de relaxation, est construit sur une pseudo relation de cause à effet. On cite généralement trois degrés de structuration causale selon que les propositions sont reliées par une simple association, une relation de temps, une relation d'implication.
"- Vous respirez calmement, et vous imaginez un endroit que vous aimez."
"- Pendant que vous commencez à vous relaxer, vous sentez que votre corps devient plus lourd..."
"- C'est parce que vous êtes très calme et détendu que vous pouvez vous voir atteindre l'objectif que vous vous donnez."
On peut ainsi relier des propositions qui, objectivement, n'ont que peu de rapports entre elles. Cependant, ces affirmations sont fondées et utiles, car, chacun sait qu'il peut éprouver des sensations en écoutant quelque chose, ou imaginer quelque chose en ressentant une sensation.
Dans le cas de la relaxation, les représentations sensorielles sont fréquemment utilisées, mais il est très important de parler flou dans ce type de situation afin de laisser une grande marge de manœuvre à la créativité du sujet.


Exemple 6 ( emploi d'une relation de cause à effet incontestable)
- "En faisant l'essai de cette toute nouvelle technique, vous saurez personnellement si elle vous convient."
La personne à qui cela s'adresse ne peut s'opposer sur la phrase, elle peut bien entendu refuser l'idée d'un essai mais ne peut contester que celui-ci lui fournit une expérience personnelle. Dans la relation d'aide, il vaut mieux éviter les oppositions, sauf si l'on juge que la personne y gagnera à s'exercer à s'opposer. Mais, même dans ce cas, la confiance accordée au praticien ne doit pas être remise en cause. Si le praticien dit : " je vous conseille de faire un essai...", le sujet se trouve pris dans un problème délicat : refuser consiste à s'opposer au praticien, accepter va à l'encontre de ses motivations. Dans la formule " parler flou", le sujet demeure libre d'accepter ou de refuser l'essai, sans opposition avec le praticien.
En outre, la relation de cause à effet est tellement évidente qu'elle en passe inaperçue! On est pourtant à la limite extrême entre parler flou et parler clair car une proposition concrète est suggérée. Mais elle n'est que suggérée et c'est pourquoi nous restons dans le parler flou.

Exemple 7 (emploi de généralisation)
- "La plupart des gens sont satisfaits de l'efficacité de leur coaching."
Cette affirmation appartient à la catégorie des généralisations, et utilise un mot "sans index de référence : les gens" ainsi qu'on les désigne dans le méta modèle.
Cette phrase se fonde sur plusieurs présupposés:
- Le coaching est efficace
- Le coaching est efficace pour la plupart des gens
- Vous faites partie de la plupart des gens.
La généralisation est toutefois atténuée pour rester dans le parler flou, si l'on remplace "la plupart des gens" par "tout le monde", la phrase prend un ton beaucoup trop autoritaire pour rester dans les critères du parler flou. Cependant, la personne qui entend cela ne peut que s'identifier à " la plupart des gens", et bâtir ensuite une relation de causalité : "le coaching est efficace pour moi, puisqu'il est efficace pour la plupart des gens et que j'en fais partie..."
Cela dit, ce type d'affirmation n'est pas forcément adapté aux sujets qui croient que leur cas est systématiquement différent : même si nous pensons que chaque individu est unique, certaines stratégies de développement personnel conviennent fort heureusement à tous!

Exemple 8 ( emploi d'une personnification d'objets et d'un présupposé)
- " Le temps est triste, cela me déprime..."
Il arrive parfois que le sujet parle de la pluie et du beau temps en guise de métaphore, et de prétexte à ce qu'il ressent. Bien entendu, nous savons que certains facteurs climatiques jouent un rôle sur l'état des gens, le vent, le manque de lumière, l'humidité ou la sécheresse de l'air ne sont pas innocents dans l'apparition de certains troubles. Cela dit, l'affirmation que nous citons est une sorte de non-sens! Un objet quel qu'il soit ne peut exprimer ni ressentir de sentiments, en revanche les personnes qui le considèrent en conçoivent de toutes sortes. On a donc une première affirmation fausse sur le plan du sens mais bien acceptée dans l'esprit des gens et qui sert de tremplin à une seconde affirmation. On peut ainsi présupposer que des objets expriment des sentiments et les transmettent à des gens!
Ce type d'affirmation peut servir de justification à un état de fait : il est plus confortable pour quelqu'un qui se sent morose de croire qu'il ressent cela à cause d'un fait extérieur à lui-même plutôt que d'en assumer la responsabilité.
Dans un même ordre d'idées, le sujet évoque parfois la "tristesse" de certains lieux pour justifier la sienne.
On n'utilise toutefois ce type d'affirmation que si l'interlocuteur l'évoque lui-même, ainsi, la pluie et le beau temps font d'excellentes métaphores aussi dans un sens plus positif : "avec un temps pareil, je me sens en pleine forme!"

Exemple 9 ( emploi de présupposés)
-" Je ne sais pas si vous réussirez à voir la différence la première fois..."
Dans ce type d'affirmation, on présuppose que le sujet fera plusieurs expériences du même type c'est aussi et surtout ce qu'on veut lui suggérer de faire. Bâtir une affirmation de ce type permet de donner des consignes de réussite sans la peur de l'échec parce qu'il est également présupposé que la personne va "réussir" ce qu'elle fait.
Il faut se souvenir que le parler flou suggère mais n'impose pas, cependant, dans certains cas les suggestions doivent être très puissantes.
Ce type d'affirmation se rapproche des phénomènes évoqués avec les effets qu'on dit "secondaires" et qui en suivent ou en accompagnent naturellement d'autres supposés "primaires".

Exemple 10 (emploi de présupposés : jeu de cibles)
- "Mr Untel pourrait certainement vous aider ."
Ici, ce qui est présupposé, c'est l'existence d'une possibilité d'aide, voire de solution. L'interlocuteur conserve le choix de s'opposer à l'intervention de Mr Untel et de préférer celle de Mr Chose. Dans cette approche de parler flou, nous offrons une possibilité de contestation à un niveau précis, mais l'existence d'une possibilité d'être aidé est suggérée de façon beaucoup plus subtile si bien qu'elle passe généralement inaperçue.
On utilise donc ce type d'affirmation quand on veut convaincre quelqu'un qu'il peut être aidé, ce qui n'est pas toujours évident. Bien des gens croient en effet que leur problème est trop complexe pour qu'on leur vienne en aide, ce qui revient aussi parfois à une remise en cause déguisée du praticien. Cependant, un des problèmes les plus importants des personnes en difficulté c'est de croire qu'il n'existe pas de solution pour eux.

Exemple 11 ( emploi d'opérateurs modaux)
- Il faut vous rassurer, tout se déroule normalement selon nos prévisions.
Nous avons vu dans le méta modèle pour le langage que les opérateurs modaux (falloir, devoir, pouvoir, vouloir) représentent des indices d'omission. Nous pouvons donc nous en servir à dessein et laisser l'interlocuteur compléter lui-même la zone d'ombre ainsi créée.
Dans cette affirmation, un ordre est donné avec l'utilisation du "il faut", cet aspect directif n'est pourtant pas incompatible avec le dessein créatif du parler flou. Le sujet à qui s'adresse le message traduit aisément :: "je suis rassuré parce que tout se déroule normalement". Il construit ainsi, à partir du parler flou une relation de cause à effet.

Exemple 12 ( emploi d'adverbes en "ment")
- Cette technique est particulièrement efficace contre le stress.
L'adverbe "particulièrement" qualifie bien sûr l'efficacité de la technique, toutefois, si l'on peut identifier l'information répondant à la question:
- Particulièrement efficace pour quoi?
La tâche impartie au sujet consiste à construire la réponse à la question:
- Particulièrement efficace pour QUI?
Le praticien, pour sa part, garde la possibilité d'expliquer sa préconisation en disant "comment" cette technique se montre particulièrement efficace.


Exercice : Identifier des présupposés
Il est très utile lorsqu'on souhaite s'exercer à la pratique du parler flou d'apprendre à identifier les messages non dits dans une affirmation.
Lisez les phrases suivantes, identifiez les messages présupposés, quelques interprétations possibles sont proposées.
1- Nous avons fait de notre mieux pour veiller à votre confort.
2- Vous pouvez espérer un changement positif.
3- Je ne sais pas lequel d'entre vous prendra la décision le premier.
4- Votre motivation est indispensable pour sortir plus vite de vos difficultés.
5- Pendant que vous hésitez, le temps passe.
6- Vous devez faire confiance à votre intuition.
7- Votre curiosité ne se satisfait pas de cette information.
8- Ce que vous ressentez vous amène à vous poser des questions.
Vous ressentez quelque chose, vous vous posez des questions
9- Il ne faut pas vous poser trop de questions.
10- Quand vous aurez franchi cette étape, vous comprendrez mieux.

Liste des principaux messages présupposés,
1- le confort est important pour la personne,
2- un changement va se produire,
3- une décision sera prise par l'une des personnes.
4- Vous êtes motivé. Vous pouvez retrouver rapidement un état de performance.
5- Vous perdez du temps en hésitant, il est temps de prendre une décision.
6- Vous avez une "intuition"
7- Vous êtes curieux, vous désirez en savoir plus.
8- Vous ressentez quelque chose.
9- Vous vous posez des questions.
10- Il existe au moins deux niveaux de compréhension :: avant et après.

 


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