Le Milton Model, inverse du Méta modèle ou " parler flou "

Explorer les objectifs, comme nous l'avons vu, permet d'en construire une représentation étayée d'informations sensorielles. Le travail du praticien exige de parvenir à une représentation précise, faute de quoi, il projette sa propre expérience sur celle du sujet ce qui va à l'encontre des objectifs du développement personnel ou du coaching. Pour le sujet, la première reconquête du pouvoir sur son devenir consiste à prendre une part active à l'élaboration de son projet de vie. Or, le sujet en quête de développement personnel éprouve le plus souvent un sentiment d'incapacité face aux situations existentielles, il lui semble qu'il n'est pas décideur de sa vie. Le praticien PNL va lui fournir l'occasion de devenir plus autonome et plus responsable en adoptant un comportement qui favorise la créativité et l'autonomie. L'utilisation du Milton Model et du parler flou se situent dans cette perspective.
Parler flou ne signifie pas manquer de précision ou de rigueur, bien au contraire, il en faut beaucoup pour maîtriser ces techniques, notamment une parfaite connaissance du méta modèle pour le langage. Dans de précédents ouvrages , nous avons montré comment appliquer le modèle de MILTON ERICKSON à la relation thérapeutique et à la relation commerciale. Toutefois, le parler flou s'appuie davantage sur l'interprétation subjective des mots que sur leur appartenance à des catégories linguistiques. Pour que le parler flou soit un outil au service de la créativité du sujet, il ne suffit pas d'appliquer de façon purement scolaire l'inverse du méta modèle, mais on ne saurait pratiquer le parler flou sans connaître parfaitement le Méta modèle et le Milton Model. Le parler flou se situe dans une pratique de style intuitif.

· Le Milton Model et les commandes imbriquées

Quand nous devons clarifier un objectif, nous utilisons le méta modèle pour le langage comme nous l'avons au début de ce chapitre. Quand nous voulons, compte tenu de cet objectif, présenter les arguments qui en satisfont les critères, nous employons l'inverse du méta modèle: le Milton Model.
Ce modèle présenté par RICHARD BANDLER et JOHN GRINDER dans leur ouvrage "Trance Formation" établit un code du langage de la persuasion à partir de la pratique de MILTON ERICKSON. Nous avons déjà évoqué ce que la PNL doit à ce " thérapeute hors du commun ", notamment pour son art du langage.
Nous savons que MILTON ERICKSON s'est rendu célèbre par sa pratique très personnelle de l'hypnose. Pour schématiser on peut présenter l'hypnose ericksonnienne comme l'art de capter l'attention de l'interlocuteur et le conduire vers l'objectif qui lui convient. Dans la vie quotidienne il arrive parfois d'être si concentré sur la tâche en cours (en regardant un bon film, lisant un livre passionnant ou écoutant un conteur), qu'on ne fait plus attention à autre chose, et que la perception du temps se modifie: cet état qui mêle concentration et hypovigilance est considéré comme un état hypnotique.
Dans la pratique de la PNL nous cherchons à capter l'attention du sujet vers l'objectif à atteindre tout en la détournant d'une critique négative. On suppose que le travail critique, l'exploration des réticences ou autres résistances est accompli. Les techniques du Milton Model délimitent délibérément des zones d'imprécision que le sujet complète lui-même, pour renforcer d'une part la certitude d'être seul décideur et d'autre part l'engagement nécessaire pour prendre sa décision.
L'engagement est une notion fondamentale dans la prise de décision et les chercheurs ont montré que plus on donne à quelqu'un de bonnes raisons pour faire quelque chose moins il se sent personnellement engagé dans cette action. Inversement, plus la demande manque de justifications précises et plus la personne s'engage pour y répondre parce qu'elle crée elle-même ses bonnes raisons.
Le Milton Model se fonde sur l'utilisation d'éléments du Méta modèle pour le langage, au lieu de chercher à éclaircir les zones d'ombres, nous allons délibérément en créer afin qu'elles permettent au sujet d'y projeter son expérience. C'est un moyen de concentrer son attention sur la forme plus que sur le contenu, comme le préconise la PNL. Voici les outils du Milton Model

1) Les nominalisations:
Imagination, liberté, curiosité, bénéfice, intérêt, etc...
Ces mots possèdent une grande puissance évocatrice mais manquent totalement de précision car leur contenu est très personnel à chaque individu.
Exemple
- Votre imagination vous montre déjà les multiples intérêts de cet outil.

2) Les verbes
Les verbes sont rarement explicites en eux-mêmes, ils constituent plutôt l'élément dynamique du langage et ne prennent de sens que par le contexte
Exemple
- Imaginez un instant que vous possédez cette maison!
Dans cet exemple, le premier verbe est imprécis mais pas le second!

3) Les noms de catégories
De nombreux sujets cherchent à s'identifier à une image lorsqu'ils prennent une décision, cette image valorisée peut être évoquée par un nom de catégorie.
Exemple
- Les personnes réalistes choisissent en majorité cette solution.

4) Les adverbes en "ment": vraiment, réellement, évidement...
Exemple
-Vous avez réellement intérêt à choisir cette option.
Dans cette phrase, on ne sait pas ce que recouvre "réellement".

5) Les comparaisons
Exemple
- Vous faites mieux de vous adresser à un expert!
Cette phrase omet de préciser l'autre élément de la comparaison introduite par "mieux", en outre, elle utilise un nom de catégorie.

6) Les opérateurs modaux : devoir, falloir, pouvoir...
Exemple
- Vous devez savoir qu'il n'y a pas mieux actuellement.
Il faut que vous décidiez par vous-mêmes!
Vous pouvez encore progresser de manière significative
Ces deux affirmations omettent de préciser ce qui se passerait si la personne ne se soumettait pas à leurs injonctions respectives.

7) Les généralisations et les quantifieurs universels : on, les gens, personne, tout le monde...
Exemple
- On a déjà dû vous en dire beaucoup à propos de cette innovation.
- La première fois qu'on fait appel à un coach, on est un peu déconcerté, puis on découvre les avantages que cela apporte.
Dans ces affirmations, il est impossible de savoir qui se cache derrière le "on". Ce pronom est utilisé principalement pour parler de soi sans se nommer précisément tout en évoquant l'existence de plusieurs personnes partageant le même point de vue ou la même expérience.

8) Les relations de cause à effet
Il est bien souvent très rassurant de croire qu'il existe une seule cause à un effet, or il n'en est rien mais nous avons tellement envie d'y croire que cela marche très bien quand il s'agit de considérer les choses superficiellement.
Exemple
- Nous avons perdu parce que les autres ont triché, et l'arbitre était de leur côté!

9) La divination:
Exemple
- Je sais ce que vous allez penser en découvrant que c'est gratuit!
Comment la personne s'y prend-elle pour avancer cette affirmation ? elle se garde bien de le dire, en fait, elle projette sa propre pensée.
Quand on pense à la place de quelqu'un, on se prive de connaître son opinion et, en développement personnel comme en coaching c'est un piège fréquent et redoutable.

10) Les adverbes de temps: avant, pendant, après
Exemple
- Avant d'essayer ce nouveau service, vous vous posez certainement des questions…Je suis là pour y répondre.
- Pendant que vous examinez ce projet, vous imaginez comment vous pourriez en bénéficier.
- C'est après avoir fait appel à l'un de nos coaches que vous vous féliciterez de votre choix!
Les adverbes de temps utilisés de la sorte réalisent une structuration causale particulièrement intéressante. Dans les exemples ci-dessus, le praticien souhaite que le sujet pose des questions, imagine, et s'implique davantage dans le processus en cours.

11) L'alternative illusoire
Exemple
- Voulez-vous me rencontrer à quatre heures ou à cinq heures?
Dans cette tournure de question, un choix entre deux options est proposé, mais il exclut, au moins en apparence, la possibilité d'un troisième choix (pour l'exemple ci-dessus: je n'ai pas l'intention de vous rencontrer) Cette technique est particulièrement intéressante quand nous avons affaire à un interlocuteur indécis.

12) Les ordinaux: premier, deuxième, etc...
Exemple
- La seconde fois que je suis allé à Honkong....
Cela implique qu'il y a eu une première fois.
- Quand vous avez vu cette personne pour la première fois, vous avez éprouvé une impression particulière.

13) Les verbes et les expressions signifiant une prise de conscience: comprendre, réaliser, saisir, découvrir.
Exemple
- Vous comprenez parfaitement dans quel sens va votre intérêt.
- Vous êtes en train de découvrir l'une des nombreuses possibilités de notre proposition.
- Vous avez pris conscience des conséquences de votre choix
Là encore existe une grande imprécision, chacun comprend les choses d'une manière personnelle, mais chacun attribue une signification importante à l'idée même de prise de conscience.

14) Les postulats de la conversation
Nous trouvons sous cette expression, certains sous-entendus courants dans les conversations quotidiennes.
Exemple
La personne pense qu'il faudrait augmenter le chauffage dans la pièce mais elle dit:
- Il fait froid ici!
L'objectif est de faire en sorte que celui qui entend ce message comprenne "à demi-mot".
- Vous avez l'heure?
Si la personne à qui l'on demande cela répond logiquement à la question elle ne peut dire que " oui " ou " non ", en général elle comprend qu'il lui faut donner l'heure.
Les postulats de la conversation s'avèrent très amusants à détecter et à utiliser, leur aspect souvent humoristique permet de détendre l'atmosphère.

15) Les restrictions sélectives
Cela consiste à appliquer des qualités d'êtres vivants à des objets, en termes de métas programmes confondre la catégorie des personnes avec celle des choses.
Exemple
-La ville est bien triste en cette saison!
-Vous avez le sentiment qu'on vous a utilisé puis qu'on se débarrasse de vous quand on n'a plus besoin de vos services.
-Quand le temps est aussi souriant, cela met de bonne humeur!
Ce procédé peut être utile dans la conversation pour établir des relations de cause à effet.


16) Les citations
Il peut être utile de faire des citations d'une part si l'on est certain que celui qu'on cite représente une référence pour l'interlocuteur, si l'on cite un illustre inconnu cela n'a pas de poids. On peut aussi citer des proverbes mais en faisant attention de ne pas tomber dans des truismes pesants.
Exemple
- " le cœur a ses raisons..." Si vous voulez vraiment vous faire plaisir n'hésitez pas, vous le regretteriez.

17) Les bonnes histoires de mon ami Gérard
Exemple
- J'ai rencontré l'année dernière une personne qui comme vous se posait beaucoup de questions, quand elle a vu que nous allions y répondre clairement, elle a été rassurée.
Parfois, une anecdote que l'on raconte comme si elle nous était arrivée ou arrivée à un ami fait force de loi et aide à convaincre notre sujet se sent alors mieux compris.

18) Les commandes imbriquées.
Cette expression recouvre l'existence d'ordres ou de conseils dissimulés à l'intérieur de la phrase et qui n'apparaissent dans la conversation que parce qu'ils sont prononcés légèrement différemment de leur contexte. Il s'agit en fait d'ancrages discrets établis sur un mode auditif.
Exemple
- Imaginez un instant que vous venez de gagner le tournoi.
- Vous vous demandez si vous faites vraiment le meilleur choix...
Les commandes imbriquées ou ordres cachés sont indiqués en italique. Pour que la technique soit efficace, l'ordre doit être prononcé de façon à ce qu'il soit perçu comme tel au niveau inconscient. En général, nous conseillons de ralentir légèrement le rythme du discours pour que la commande imbriquée agisse, mais toute autre modification peut être aussi utile pour autant qu'elle reste discrète car son efficacité dépend essentiellement du fait qu'elle ne soit pas retenue par la critique consciente.

Le Milton Model se révèle un outil exceptionnellement efficace pour autant qu'on l'utilise dans le respect de ses interlocuteurs. La règle d'or consiste à ne jamais sous-estimer leur perspicacité et leur discernement.
Au cours de nos séminaires nous avons souvent des questions à propos de l'effet manipulateur de telle ou telle technique et c'est pourquoi nous souhaitons apporter quelques précisions à ce sujet. C'est quand on s'aperçoit que notre partenaire essaie de nous manipuler que notre méfiance s'éveille à juste titre ; le manipulateur se trahit dans la plupart des cas parce qu'il est tellement obsédé par son objectif qu'il arrive à ne plus recevoir les messages de son partenaire.
Chaque fois que nous cherchons à convaincre quelqu'un on peut appeler cela de la manipulation dans le cas où nous ne tenons pas vraiment compte de cette personne. Si au contraire nous cherchons à convaincre quelqu'un en prenant connaissance et en tenant compte de son objectif, on peut alors parler d'influence ou de conseil, mais certainement pas de manipulation.
Nous ne devons pas oublier que la relation d'aide en développement personnel, coaching ou thérapie est manipulatoire en ce sens qu'elle forme un cadre de communication destiné à guider le sujet vers un objectif. Tout praticien devrait être conscient de ses propres croyances et de ses stratégies relationnelles afin de mieux comprendre comment il influence les autres.


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